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14 Mai 2018
-Le délabrement manifeste de l’infrastructure et des équipements scolaires, un état qui demeure toutefois relatif selon les régions. Il est fonction de l’ancienneté de l’implantation de l’infrastructure scolaire : plus cette implantation est ancienne, plus cet état de délabrement est plus marqué. Si l’on convient de ce qui précède, on pourrait alors dire que cet état de délabrement est particulier aux infrastructures scolaires du littoral tunisien : le Nord-Est et le Sahel Central et Sfax…il est moins marqué dans le pays profond pour la simple raison que l’implantation de ces infrastructures a été tardive en comparaison avec le littoral.
- Le vieillissement du cadre enseignant : une étude statistique qui mettrait l’accent sur l’âge et l’ancienneté des enseignants pourrait éclairer davantage le phénomène. Personnellement, j’en ai la preuve à une échelle spatiale plus limitée. Ce vieillissement du cadre enseignant est – tout comme le délabrement des locaux- un phénomène particulier et plus apparent dans les régions littorales pour les même raisons déjà citées.
- Le déficit de qualité du « produit » scolaire va croissant depuis déjà des années. La faiblesse de plus en plus marquée des acquis des élèves, le laxisme latent qui ne cesse de gangrener nos établissements scolaires à tous les niveaux, l’absence de motivation…une certaine déontologie du métier dont les adeptes se font de plus en plus rares pour de multiples raisons dont la dégradation de la situation matérielle du corps enseignant n’est pas la moindre….Bref, point n’est besoin de continuer cette énumération « malheureuse » des défaillances de notre SET pour assoir la conviction qu’il a vraiment « fait son temps » et qu’il a besoin d’être « rajeuni ».
3. Autant de constats dénotent de la nécessité absolue de traiter la question du SET et d’urgence. La mission de l’école tunisienne est à renouveler, ce n’est plus un choix, c’est une nécessité absolue. Les tiraillements politiques et idéologiques que connait le pays et qui sont en train de prendre pied sournoisement dans notre école risquent de compliquer une situation initialement complexe et compliquée.
4. Ce constat, quoique sommaire, peut faire l’unanimité. Au fait le problème ne se situe pas à ce niveau mais plutôt au niveau du traitement de cette situation. Deux questions fondamentales méritent une réponse bien réfléchie et objective autant que possible :
- Réformer le SET ou le refonder ? Et suivant quels référentiel et principes ? Pour quels objectifs ? Avec quels mécanismes ? Dans quels délais ? ….
De la réponse à la première question découlerait la réponse à la seconde.
Regardons donc de plus près la première question.
A une réalité éducative « multiple », la gestion « unique », bref l’école « unique » fut le maitre mot pendant des décennies. Cette multiplicité de la réalité éducative a toujours été combattue avec acharnement. Ce comportement qui s’est avéré avec le temps très nocif, dénotait d’une volonté louable à première vue de se débarrasser du legs colonial. Effectivement, à l’époque coloniale, l’école était multiple, mais cette multiplicité se basait sur des considérations ségrégationniste et racistes : il y avait l’école française et l’école arabe et l’école « mixte », sans parler des autres formes d’éducation informelle.
Dans son sens le plus simple et le plus clair, ce terme veut dire « transférer du pouvoir aux régions » , régionaliser veut dire « décentraliser au profit de la région », régionaliser veut dire tout un choix de gestion de la « chose » publique , c’est passer de la logique de contrôle à la logique de responsabilisation, passer de la verticalité à l’horizontalité, passer de l’exclusion à la participation, du travail sectaire au travail collectif et participatif…L’enjeu de la régionalisation c’est l’équité, mais aussi l’efficience. Cependant, la régionalisation est impossible dans un système hautement centralisé.
Régionaliser l’éducation ne peut que s’inscrire dans une stratégie générale de régionalisation.
Est-ce que la régionalisation, en tant que choix stratégique dans la gestion des affaires publiques est un choix délibéré ou une obligation de bonne gouvernance ?
Est – elle tributaire d’un choix volontariste et subjectif ou un impératif objectif qu’imposent les derniers développements qu’a connu notre pays ?
La Dignité et la Liberté, deux aspirations qui passent obligatoirement par l’instauration d’un partenariat réel et équitable à la Patrie, autrement dit une Citoyenneté « totale » qui mettrait fin à des décades d’exclusion et de marginalisation endurées par une large frange du peuple tunisien et surtout celle du pays profond, longtemps léguée aux oubliettes et traitée comme des citoyens de second ordre, et des populations des franges urbaines miséreuses.
La régionalisation est le choix organisationnel et de gestion le mieux indiqué pour pourvoir à ces aspirations. C’est en fait un choix politique d’abord. Est ce que l’élite politique et intellectuelle a le courage d’instaurer un pouvoir vraiment populaire qui rendrait aux tunisiens leur droit fondamental et élémentaire : s’autogérer, participer à la gestion de leur présent et à la préparation de leur avenir ?
La réponse à cette question est capitale : on ne peut pas régionaliser l’Education dans un cadre marqué par la centralisation comme choix stratégique ! ce sera une aberration de plus, quelque chose d’amorphe comme on en sait produire dans notre pays !
Dans le cadre de la régionalisation ; multiplicité et unicité dans l’éducation ne sont pas contradictoires, ils doivent plutôt être complémentaires, une école «multiple » n’est pas obligatoirement en contradiction avec une école « unique ». Cependant, les champs de multiplicité et d’unicité doivent être bien délimités.
La nouvelle carte scolaire, sous-tendue par la régionalisation de l’éducation, doit comporter un nouveau découpage basé sur la réalité du fait éducatif et non administratif. Elle doit dégager, suite à une étude scientifique rigoureuse, des « bassins scolaires » caractérisés par la similitude de l’environnement d’apprentissage et donc des besoins soit en infrastructures scolaires, soit en équipements éducatifs divers, soit en ressources humaines... C’est ainsi qu’on peut aboutir à une harmonisation de l’éducation à travers le pays, qu’on renoue avec l’environnement de manière positive et efficace et qu’on garantit un enseignement-apprentissage concluant. Ce nouveau découpage qui prend en considération cette réalité multiple permettrait une réponse adaptée aux besoins éducatifs, concèderait aux interventions de régulation et de remédiation une efficacité et un impact certain sur la réalité éducative puisque ces interventions sont ciblées et répondent à des besoins spécifiques et…particuliers. Bref, Harmoniser, oui ! Unifier, non !
Une condition demeure cependant essentielle dans toute entreprise visant la refondation du SET : la volonté politique. La classe politique tunisienne se doit de mettre le fait éducatif au-dessus de la mêlée : c’est une affaire nationale à priorité absolue, le salut de notre patrie passe obligatoirement et uniquement par l’Education, on ne le dira jamais assez.
Tout laxisme à ce niveau relèverait et sans exagération aucune du « crime historique », les générations futures ne nous pardonneront jamais cette nonchalance…regardons ce qu’endurent nos jeunes diplômés : chômage, déprime, dégout et malvivre…le silence est un luxe qu’on ne peut se permettre devant un tel ravage, une telle désolation.
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Janvier-Avril 2014
Hamdi Houcine
Inspecteur Principal d’Histoire-Géographie
Commissaire régional de l’Education-Tunis 1.